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Page:Péladan - Le Théâtre complet de Wagner, 1894.djvu/122

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76 LE THÉÂTRE DE WAGNER

NOTE

Wagner a fait, après « Lohengrin >, des chefs-d’œuvre incomparables ; quant au Préludé, il n’a jamais dépassé cette hauteur de spiritualité. Un archevêque français a dit que les anges avaient apporté cette page à la terre : et il a bien dit.

Le premier acte est un modèle d’exposition et de progression pathétique. L’accusation de Frédéric, l’interrogatoire d’Eisa, le jugement de Dieu : ce silence effrayant après le second appel, et, quand l’angoisse est à son comble, l’apparition du chevalier au cygne, forment un des grands crescendo du pathétique théâtral : sitôt après, dans le serment que Lohengrin exige d’Eisa, commence le drame intérieur et justifie cette indication du Maître lui-même : — « Tout l’intérêt consiste dans une péripétie qui s’accomplit au cœur de la rêveuse Eisa. »

On voit déjà l’art unique de Wagner dans les personnages secondaires, et ne serait-ce pas la plus grande preuve du génie que de tout réaliser parfaitement ? La Frisonne Ortrude Radbord, la sorcière haineuse, se développe aussi logiquement que la douce et faible Eisa. € Lohengrin » n’est pas compris d’ordinaire plastiquement, c’est l’ange devenu visible et tangible ; il sera toujours malaisé à un superficiel de démêler ses mobiles. Lohengrin, être intellectuel, vivant dans l’Abstrait divin, aspire à se refléter dans un inconscient sentimental ; sa force veut une faiblesse adoratrice ; sa pensée, une réceptivité émotionnelle ; il veut aimer pour soulager le poids de