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Page:Pérochon-Le Chemin de plaine.djvu/260

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Dix ans !

Des milliers de jours, des centaines de façons de vivre… une foire bariolée et pittoresque avec des boniments, des rires, des chansons d’ivrognes, de grandes clameurs saugrenues.

Tunis. Première année ; la pire… l’année de l’idée fixe, horrible et tentante. Ah ! j’ai lutté… Un matin j’appelai le Ricaneur à mon aide ; je bus quatre absinthes, je pris le rasoir à lame fascinatrice et je m’en fus le vendre à un brocanteur juif en grelottant de rire.

La deuxième année ce fut Broum-Bouzack, le petit village à vingt lieues dans les terres ; l’école neuve, si blanche, si vide sur laquelle les soirs bleus de Kabylie tombaient, désespérément purs et calmes… Je n’ai pas pu m’habituer…

La troisième année, Bizerte : figures louches ; compagnonnage de rastas…

La quatrième année, voyage en France. Quinze jours après mon arrivée, ma mère mourait ; et je repartais tout de suite, mauvais comme un troglodyte enragé. Querelle sur le paquebot ; rixe à Tunis en débarquant : une des plus âpres joies de mon existence… quand ces cinq Italiens sont accourus pour venger un des leurs que j’avais abattu d’un coup de poing, c’est avec une véritable volupté que j’ai bondi au milieu du groupe, tous les muscles prêts.

Huit jours plus tard, je boxais mon Directeur.