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Page:Pérochon-Le Chemin de plaine.djvu/28

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précieux. Est-il rien au monde de plus beau que des yeux d’enfant !

Le petit, d’abord étonné, s’inquiéta. Il secoua la tête et une ombre courut sur ses prunelles superbes.

— As-tu vu ? dit Évrard. As-tu vu la peur comme elle s’est levée ? D’où vient-elle ? Nous n’avions devant nous qu’un matin vierge et voici qu’une bête de la nuit passe. Elle était tapie dans quelque recoin obscur. Et elle n’est pas seule ! Il en est d’autres, il en est des myriades. Elles y sont toutes, les bêtes monstrueuses. Ces yeux d’enfants, comme ils vivent ! Quel prodigieux grouillement de fantômes ! La vie totale est véritablement là. Toutes les souffrances des vieux âges y ont laissé leur trace et toutes les joies. J’y vois des flambées de courage, de belles lueurs de bonté persévérante… et j’y vois des haines, des meurtres, des massacres, des viols, d’horribles ruées carnassières. Ils savent tout, ces yeux candides, ils savent tout, sauf mourir. Va-t’en, petite canaille !

Or, ce matin, Dédé arrivait à l’école en même temps que nous. Comme sa mère prétend le corriger sévèrement et s’intéresser à ses progrès, j’ai dit :

— Dédé, qu’a fait ta mère hier soir, quand elle a su que tu avais été puni ?

Il a répondu :

— Elle a dit que vous étiez un grand sot !