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Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/188

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— Mon pauvre vieux, écoute, répondit-il en posant sa main carrée sur l’épaule de Séverin, tu es un homme, on peut te dire les choses : ce n’est pas bon, pas bon du tout… mais on ne sait jamais… Je reviendrai encore demain matin. Rentre chez toi et pas de bruit surtout, hein ! pas de bruit. S’il vient des femmes, flanque-les dehors !

Et il partit en mâchonnant des mots qui étaient des jurons peut-être ou des menaces. Les voisines attendaient prés de sa voiture ; elles l’interrogèrent, mais il s’emporta :

— Est-ce que je sais, moi ? Est-ce que je m’y connais ? Qui vous a dit que je m’y connaissais, n. de D… !

Pourtant, une fois dans sa voiture, il demanda à son tour, d’une voix radoucie :

— Combien a-t-il d’enfants, ce Pâtureau ?

— Cela fait six, maintenant, monsieur.

— Six ! pauvre bougre !

Le lendemain matin il n’y avait plus d’espoir.

La journée fut atroce ; Delphine délirait. Il lui revenait de lointains souvenirs : elle parlait de sa jeunesse et du moulin et de l’écluse où barbotaient les canes. Puis, soudain, elle se cachait, secouée d’une peur affreuse.

— Séverin ! Oh ! la bête… le creux-de-maison ! comme c’est noir ! comme c’est froid ! la bête ! elle me mange ! oh !

Elle restait un moment muette et tremblante ; après quoi elle recommençait à appeler ses canes ; elle parlait aussi d’une terre où elle irait avec ses