— Où j’ai pris ça ?
Il se mit à rire d’un drôle d’air. Elle répéta :
— Oui, d’où ça vient-il ? pas des Arrolettes, bien sûr… Es-tu donc allé jusqu’à Malitrou ?
— Peut-être bien…
Comme la Bernoude examinait la tête du chapon et le cou blessé, il finit par dire :
— Cette bête, voyez-vous, c’est le Magnon qui me l’a donnée.
— Allons ! qu’est-ce que tu racontes ?
— Oui… voilà… C’est-à-dire…
Maintenant qu’il faut avouer cette chose énorme, il balbutie, le cœur étreint par une angoisse sur laquelle il n’avait pas compté.
Soudain, il se décide et vite lâche les mots :
— C’est-à-dire que j’ai trouvé cette bête devant le logis ; elle est venue se fourrer sous mes sabots ; je l’ai tuée sans le faire exprès ; alors quoi ! je ne pouvais pas la laisser sur la route ; je l’ai emportée.
La grand’mère recule un peu pour le regarder et elle voit qu’il dit vrai. Ses yeux s’ouvrent très grands, comme si elle découvrait une chose horrible ; puis s’étant assurée que les petits dorment, elle se dresse contre lui et d’une voix qui monte comme un souffle :
— Alors, c’est vrai, dit-elle ; tu as volé, malheureux !
Séverin, à son tour, recule ; un grand froid l’anéantit ; il ne peut plus supporter le regard de ces yeux si francs qui le condamnent ; il se laisse tomber sur une chaise, dans l’ombre, près du lit de Bas-Bleu.
Après une minute d’effarement il essaye de se défendre, de rattraper ses idées en déroute.