non ! Quant à ce chapon, personne ici n’y touchera, ou bien je m’en irai… Le voilà ton chapon, mon gars !
Elle lance la bête qui retombe aux pieds de Séverin avec un bruit mat.
L’indignation redresse sa pauvre taille cassée ; jamais de sa vie elle n’a connu un trouble pareil ; elle va de long en large, s’arrêtant chaque fois qu’elle passe devant Séverin pour le honnir.
— Malheureux ! voilà où tu en es ! cela te regarde ; tu es bien en âge ; mais tu as des enfants qui sont un peu miens aussi ; je ne veux pas que tu leur fasses de pareilles leçons. Jamais personne n’a failli dans ma famille ni dans celle de mon pauvre homme. Ah ! n’agis pas de cette façon, ou je ne te reconnais plus pour mon gendre…
C’est l’honneur de toute une lignée qui remonte à ses lèvres et qui fait trembler sa voix, si calme à l’habitude.
Elle finit par se rasseoir prés de la cheminée.
— Mon Dieu ! mon Dieu ! si la défunte voyait ça ! ma pauvre Fine ! ma pauvre Fine !
Elle gémit maintenant et pleure et la malade pleure aussi, consternée par cette scène à voix basse. Séverin se baisse vivement, ramasse le chapon et s’en va dans la nuit…
Quand il revint une heure plus tard, la chandelle flambait encore et la grand’mére était assise à la même place. Il referma doucement la porte et, furtif, sans une parole, il laissa ses sabots pour monter au grenier où il couchait.