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Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/233

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LES GARDIENNES

suite dans sa maison, mais se réfugia dans la grange afin de se remettre.

Peu à peu, le bourdonnement qui emplissait sa tête s’apaisa ; elle comprit. Georges l’abandonnait ; elle en avait la cruelle certitude. La douleur qu’elle en éprouvait grandissait jusqu’à devenir atroce, mais son étonnement diminuait à mesure. Sa destinée ne devait-elle pas s’accomplir ainsi, dans la solitude et la résignation ?…

Et puis, tout à coup, une idée nouvelle à laquelle jusqu’à cette heure, elle n’avaiT pas voulu s’arrêter, s’offrit à son esprit avec une évidence inexorable.

Un grand froid glissa dans ses moelles !

Alors, comme un blessé que la douleur fait courir, pour ne plus penser, elle sortit de la grange et se dirigea vers la maison.

Le facteur arrivait juste à ce moment-là ; Francine entra derrière lui. Miraine se trouvait assise sur la pierre du foyer, ses deux enfants auprès d’elle. Elle ne bougea point mais le plus jeune des enfants, qui avait cinq ans à peine, se dressa tout d’un coup en reconnaissant le facteur. Ses petits poings fermés, il fonÇa sur cet homme qui, la veille, avait fait pleurer sa Mère et il se mit à le frapper avec fureur. Miraine l’appelait en vain ; l’enfant poussait l’homme vers la porte, cognant, griffant, mordant. Il ne revint qu’après victoire complète. Rouge, les yeux étincelants, il jeta ses bras au cou de sa mère qui, de nouveau, pleurait.

Francine, immobile sur le seuil, haletante, avait suivi cette scène avec une étrange attention.