— Alors, fais lecture pour moi, dit-il, car tes yeux sont meilleurs que les miens.
Francine déchira l’enveloppe, déplia le papier et, aussitôt, elle pâlit.
— Lis donc ! répéta Claude qui, s’essuyant le front, n’avait rien vu.
Elle resta muette ; alors le vieux remarqua son trouble. Il saisit la lettre et, la tenant loin de ses yeux, en commença la lecture. Il n’alla pas loin : l’écriture n’était pas de Constant… Un camarade, officier haut gradé, annonçait, dès les premières lignes, la mort du capitaine Misanger, tué à la tête de son bataillon le lendemain de son retour de permission.
Le père Claude se mit à trembler. Ses doigts lâchèrent la lettre et cherchèrent appui sur un mancheron de la charrue ; mais, à ce moment, les bêtes qui s’impatientaient tirèrent soudain et, la charrue sortant de terre, elles la trainèrent à travers le labour.
La nécessité d’agir tira Francine de sa stupeur ; sans trop savoir ce qu’elle faisait, elle courut au-devant des bêtes qu’elle arrêta ; les ayant dételées, elle les chassa vers la route dans la direction de ferme.
Le père Claude n’avait pas bougé ; tête nue, au milieu du champ, il demeurait hébété. Francine revint vers lui, releva son chapeau et le lui tendit, mais il ne le prit pas.
— Il faut rentrer ! dit-elle.
Il ne répondit rien et ne fit pas mine de la suivre.