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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

grands rêves consolateurs, aux antiques fables d’espoir et d’amour. Le mouvement était lent et presque timide, sauf pourtant chez les Lahoristes, où des îlots musulmans avaient résisté à tous les assauts du rationalisme et où le fanatisme recommençait à flamber comme aux époques barbares. Du Maroc à l’Arabie, des apôtres se levaient d’entre les humbles ; ils retrouvaient les beaux gestes oubliés et, de leurs lèvres, coulait la poésie ardente des vieilles légendes. Ils se gardaient d’ailleurs d’une interprétation trop étroite des textes ; élargissant jusqu’au symbole les préceptes coraniques, ils adaptaient la Loi aux exigences de la civilisation scientifique et ils aimaient à se proclamer philosophes. Ils n’en étaient pas moins animés de cet esprit de prosélytisme aventureux qui avait poussé jadis leurs ancêtres à la conquête du monde.

Aussitôt formé, le nouveau gouvernement avait dû, sous peine d’être renversé, reconnaître la religion musulmane comme religion d’État. Lahorie, consul, avait cru de bonne politique d’accepter le nom redoutable de Commandeur des Croyants. Cette précaution n’empêchait pas qu’il fût surveillé de très près et soupçonné de tiédeur. Le zèle des chefs religieux lui causait parfois les plus graves embarras.

Ce zèle s’exerçait d’une façon particulièrement indiscrète à l’égard des Africains du Sud. Sous le prétexte que des groupements musulmans avaient existé autrefois au-delà du dixième parallèle, des caravanes de pèlerins lahoristes pénétraient périodiquement jusqu’au voisinage de l’équateur. En même temps, une propagande intense s’efforçait de toucher les populations noires du Sud et de les ramener à la foi musulmane.