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LA MÊLÉE

après l’arrêt, des hostilités, la population africaine était, à peu près partout, sauvée de la famine et, déjà, les services sanitaires universels enrayaient les épidémies.

Ce n’était là qu’une partie de la tâche, la plus urgente, sans doute, mais aussi de beaucoup la plus facile. La restauration des pays dévastés était une entreprise autrement complexe.

Une commission mondiale d’ingénieurs spécialistes avait, dès la première heure, dressé un plan général, excellent au point de vue technique. Les rivalités nationales ou politiques rendirent ce plan pratiquement inexécutable.

Dans le même temps, en effet, que de charitables particuliers accouraient, sans aucune arrière-pensée égoïste, au secours des victimes, les gouvernements nationaux et les chefs de partis songeaient à profiter de la situation nouvelle. Ce grand pays d’Afrique où tout l’édifice social venait de s’effondrer, ce pays autrefois si riche et qui ne pouvait manquer de retrouver sa prospérité à bref délai, c’était là une proie bien tentante offerte aux mégalomanes.

Certes, aucune nation n’avait le moindre intérêt matériel à établir son autorité au-delà de ses frontières ; pareille entreprise comportait, au contraire, de sérieuses difficultés et les plus grands risques. Les rêves de domination, utiles peut-être pendant des millénaires, encore explicables aux premiers temps chrétiens où chaque groupe d’hommes assurait péniblement sa subsistance, ces grands rêves barbares n’étaient plus, à l’époque moderne, que dangereuse et flagrante absurdité. Mais ils semblaient aussi une fastueuse imprudence, un principe de vie ardente, un rajeunissement poétique des races. Et, à cause de leur absurdité même, ils échauffaient le