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Page:Pérochon - Les Hommes frénétiques, 1925.djvu/27

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HARRISSON LE CRÉATEUR

tour du monde, que cela lui semblait suffisant pour un jour et qu’il n’éprouvait nullement le besoin de passer encore une partie de la nuit dans les nuages. Il eût préféré revenir tout de suite aux Açores, où il habitait. Il finit cependant par céder.

Harrisson accompagna les invités jusqu’à leur avion. C’était un biplace luxueux, allongé en forme de cigare et capitonné à l’oxygène comprimé. La désintégration d’un sel de potassium fournissait la chaleur, l’éclairage et l’énergie motrice ; ralentie ou accélérée à volonté, elle permettait la promenade nonchalante aussi bien que les vitesses météoriques. Grâce à un dispositif très simple, on pouvait d’ailleurs utiliser l’énergie des lignes publiques.

Ayant puisé une fois de plus dans sa petite boîte, la jeune femme tendit la main à Harrisson, puis s’allongea sur les coussins. L’homme, étendu à l’avant, manœuvrait déjà de délicats leviers. Le capot rabattu, l’appareil s’éleva droit, entre les arbres du parc ; après quelques secondes d’une progression oblique assez lente, la vitesse augmenta rapidement. L’avion fila vers l’est, passant comme un bolide au-dessus de la zone des grands express.

Harrisson revint à la villa et gagna la bibliothèque. Au bout d’un moment, les deux préparateurs l’y rejoignirent. Le succès de Harrisson était un peu leur succès ; l’émotion et la fatigue pâlissaient leur visage. Harassés par le travail formidable des jours précédents, ils se retirèrent bientôt.

Demeuré seul, Harrisson ouvrit une fenêtre. Il faisait encore chaud ; la nuit douce enveloppait le monde. Dépourvus de réseaux photophores, les arbres du parc mêlaient leurs branches noires. Au crépuscule, les oiseaux du voisinage venaient se réfugier là, lorsque naissaient d’inquiétantes lueurs