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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

loin de réclamer pour les savants des droits particuliers, souhaitait les voir assujettis à une discipline sévère. Aucun laboratoire, aucun institut de recherches ne devait plus échapper au contrôle public. Aucune découverte ne devait plus être annoncée avant que des services compétents en eussent étudié les répercussions possibles. Une organisation nouvelle était à trouver : organisation probablement compliquée, mais dont l’urgente nécessité s’imposait.

Le discours de Harrisson ne souleva point d’enthousiasme. Il y eut des murmures dans la salle. Le groupe des savants demeurait froid ; beaucoup pensaient que leur célèbre confrère faisait bon marché de la liberté des recherches, condition primordiale du succès. La plupart des autres délégués hésitaient.

Sensible aux réactions confuses des foules, le poète Lahorie comprit que l’occasion se présentait de détruire la popularité d’un adversaire marquant, d’un rival détesté. Il fut prompt à la saisir.

Il commença par lire, d’une voix grave, un long poème en l’honneur d’Avérine, puis, dans un silence religieux, il improvisa à la face du monde une de ses plus belles harangues. Sa voix, d’abord hésitante, s’éploya, tonna. Il fut désordonné, fougueux, pathétique. Il montra la lente ascension de l’humanité vers un idéal de liberté, de justice et de beauté. Tout ce qui avait été acquis depuis le commencement des âges, on le devait au courage imprudent, à la divine imprévoyance, à l’héroïsme qui ne calcule pas.

Il vitupérait les derniers siècles écoulés qui avaient vu le triomphe d’un utilitarisme borné. Pendant cette époque de bien-être ennuyeux et