Page:Pétrarque - Mon secret, 1898.pdf/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vice honteux. Elle t’a peut-être garanti de bien des vices, mais elle t’a plongé dans de plus grands malheurs : car celui qui, en vous faisant éviter un chemin rempli d’ordures, vous a conduit dans un précipice, et celui qui, en vous guérissant de petits ulcères, vous a coupé la gorge, méritent moins le nom de sauveurs que celui d’assassins. Ainsi, celle que tu déclares ton guide, en te détournant de bien des impuretés, t’a précipité dans un gouffre splendide. Quant à t’avoir appris à élever tes regards et à t’avoir écarté de la foule, qu’est-ce autre chose sinon qu’assis devant elle et uniquement épris de ses charmes, elle t’a fait mépriser et négliger dédaigneusement tout le reste, ce qui, tu le sais, est très fâcheux dans le commerce de la vie. Lorsque tu dis qu’elle t’a engagé dans des travaux sans nombre, en cela seulement tu dis la vérité. Mais vois le bel avantage que tu en as recueilli : puisqu’il existe tant de travaux que l’on ne peut éviter, quelle folie d’en rechercher volontairement de nouveaux ? Quand tu te glorifies de ce qu’elle t’a rendu avide de gloire, je compatis à ton erreur, car je te montrerai que, de tous les fardeaux de ton âme, il n’en est point qui te soit plus funeste. Mais je n’en suis pas encore là.

Pétrarque. Le combattant le plus brave menace et frappe. Pour moi, je sens à la fois et le coup et la menace et je suis déjà tout chancelant.

S. Augustin. Tu chancelleras bien da-