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hommes même ignorants et grossiers dire, à la vue, d’un enfant : « Il est à son aurore » ; à la vue d’un homme mûr : « Il touche à son midi, il est sur son tantôt » ; et, à la vue d’un vieillard décrépit : « Il est parvenu au soir et au couchant » ? Médite donc bien, très cher fils, ces pensées et d’autres semblables qui, je n’en doute pas, s’offriront en foule à ton esprit, car celles-ci me sont venues sur-le-champ.

Encore une prière : considère avec attention les tombeaux de tes aînés, mais de ceux qui ont vécu avec toi, certain que la même résidence et le même palais te sera préparé à perpétuité. Nous allons tous là, c’est notre dernière demeure ; toi qui, maintenant, fier des restes de ton printemps, foules aux pieds les autres, tu seras bientôt foulé à ton tour. Songe à tout cela, médite-le jour et nuit, non seulement comme il sied à un homme rassis et qui se souvient de sa nature, mais comme il convient à un philosophe, et sache que c’est ainsi qu’il faut entendre ce mot : Toute la vie des philosophes est une préparation à la mort[1]. Cette pensée t’apprendra à mépriser les œuvres des mortels et te montrera un autre genre de vie à suivre. Tu me demanderas quel est ce genre de vie et par quels sentiers on y arrive. Je te répondrai que tu n’as pas besoin de longs avis ; écoute seulement le Saint-Esprit qui t’appelle et t’exhorte sans cesse en te disant : « Voici le chemin de la pa-

  1. Cicéron, Tusculanes, 1, 30.