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Premier dialogue

Saint Augustin, Pétrarque.

Saint Augustin. Que fais-tu homme de néant ? À quoi rêves-tu ? Qu’attends-tu ? Ne te souviens-tu pas que tu es mortel ?

Pétrarque. Oui, je m’en souviens, et cette pensée ne me vient jamais à l’esprit sans un certain frisson.

S. Augustin. Plût à Dieu que tu t’en souvinsses, comme tu le dis, et que tu veillasses à ton salut ! Tu m’éviterais une lourde tâche, car il est hors de doute que pour mépriser les séductions de cette vie et pour régler son âme au milieu de tous les orages du monde, on ne peut rien trouver de plus efficace que le souvenir de sa propre misère et la méditation assidue de la mort, pourvu qu’elle ne glisse pas légèrement à la surface, mais qu’elle s’incruste profondément jusqu’à la moelle des os. Mais je crains fort que, dans ce cas, comme je l’ai observé chez beaucoup d’autres, tu ne te fasses illusion.