Page:Pétrarque - Mon secret, 1898.pdf/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que personne ne tombe dans le malheur que par sa volonté, car c’est là-dessus qu’est fondée notre discussion. Dis-moi, je te prie (mais réfléchis avant de répondre et fais montre d’un esprit avide, non de dispute, mais de vérité), dis-moi quel est l’homme qui, selon toi, a péché par force, puisque les sages veulent que le péché soit un acte volontaire, à ce point que, si la volonté manque, le péché n’existe pas. Or, sans le péché, personne ne devient malheureux, tu me l’as accordé tout à l’heure.

Pétrarque. Je vois que je sors peu à peu du sujet, et je suis forcé de reconnaître que le commencement de ma misère a procédé de mon libre arbitre. Je sens cela en moi et je le conjecture dans les autres. Maintenant, reconnaissez à votre tour une vérité.

S. Augustin. Que veux-tu que je reconnaisse ?

Pétrarque. S’il est vrai que personne ne tombe que par sa volonté, reconnaissez qu’il est également vrai qu’une foule de gens tombés volontairement gisent cependant à terre malgré eux. Je l’affirme de moi-même hardiment, et je crois qu’il m’a été donné en punition, pour n’avoir pas voulu rester debout quand je le pouvais, de ne pouvoir me relever quand je le voudrais.

S. Augustin. Quoique cette opinion ne soit point tout à fait absurde, comme tu reconnais ton erreur dans le premier cas, il faudra que tu la reconnaisses également dans le second.

Pétrarque. Tomber et être gisant sont