Page:Pétrarque - Mon secret, 1898.pdf/81

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te précipitera dans la mort. Depuis que tu as commencé à être dégoûté des baies de tes arbustes, qu’une mise simple et que la société des paysans t’ont déplu, poussé par la cupidité, tu es retombé au milieu du tumulte des villes. On lit sur ton front et dans tes paroles quelle vie heureuse et tranquille tu y mènes, car que de misères n’y as-tu pas vues ? Trop rebelle aux dures leçons de l’expérience, tu hésites encore ! Ce sont sans doute les liens de tes péchés qui te retiennent, et Dieu permet que là où tu as passé ta jeunesse sous la férule d’autrui, devenu ton maître, tu y traînes une vieillesse misérable. J’étais certainement à tes côtés lorsque tout jeune encore, sans cupidité, sans ambition, tu promettais de devenir un grand homme. Maintenant tes mœurs ayant changé, hélas ! plus tu approches du terme, plus tu amasses soigneusement le reste de ton viatique. Que reste-t-il donc, sinon que le jour de ta mort (qui peut-être est proche et qui certainement ne saurait être loin), dévoré de la soif de l’or, on te trouve agonisant penché sur le calendrier ? Car les intérêts qui s’accroissent chaque jour doivent nécessairement atteindre au dernier jour un chiffre considérable et un taux défendu.

Pétrarque. Si, prévoyant d’avance la pauvreté de la vieillesse, j’amasse des ressources pour cet âge fatigué, qu’y a-t-il là de si répréhensible ?

S. Augustin. Ô soucis ridicules et négligence insensée de songer anxieusement à