Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/159

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de cet être, seul et infini, était au-dessus des termes et des expressions, et que nulle parole humaine ne pouvait donner la moindre idée de sa perfection ; que les sages eux-mêmes, après s'être élevés, autant qu'ils ont pu, au-dessus de la portée des sens, arrivent à peine à l'intelligence de ce dieu ; et que leur illumination d'ordinaire ressemble à l'éclair qui brille dans une épaisse obscurité ? Je ne m'arrêterai donc pas à cet endroit ; la force me manquerait, puisque mon maître, Platon lui-même, n'a trouvé aucune expression digne d'un si grand sujet : en présence d'une matière qui excède la portée de mon faible génie, je suis contraint de battre en retraite, et du ciel je vais ramener mon discours sur la terre, où l'homme est le premier des animaux. A la vérité la plupart des hommes, dépravés par leur insouciance de toute morale, abandonnés aux erreurs et aux crimes, de doux qu'ils étaient naturellement sont devenus tellement féroces, que l'homme pourrait être regardé comme le dernier des animaux de la terre. Mais en ce moment il s'agit moins de disputer sur ses égarements, que de mettre en lumière la division de la nature.

Chapitre 4

Les hommes sont doués de la raison et de la parole ; leur âme est immortelle, leur corps périssable ; leur esprit léger, inquiet ; leurs sens grossiers et faillibles : ils diffèrent entre eux par leurs mœurs, et se ressemblent par leurs égarements, par leur audace, par l'opiniâtreté de leurs espérances, par leurs vains labeurs, par leur fragile fortune : chaque homme isolé est mortel, mais le genre humain existe, se reproduit et se renouvelle perpétuellement : leur vie est rapide, leur sagesse tardive, leur mort prompte ; et la terre est la demeure où ils passent leur existence douloureuse. Vous avez ainsi deux sortes d'êtres animés, les hommes et les dieux : mais ceux-ci diffèrent des hommes, dans leurs hautes sphères, par la perpétuité de leur vie, par la perfection de leur nature ; ils n'ont rien de commun avec nous, puisque l'immensité sépare leurs demeures des nôtres, puisqu'ils ont une jeunesse éternelle, inaltérable, et que notre vie est fragile et rapide : outre qu'ils sont destinés à la béatitude, tandis que nous sommes courbés sous le poids des misères.

Chapitre 5

Quoi ! la nature n'est donc unie à elle-même par aucun lien ; mais, divisée en partie divine et en partie humaine, elle s'est rendue impuissante par cette scission ? Car, ainsi que Platon l'a dit, aucun dieu n'est mêlé aux hommes, et la marque la plus évidente de leur sublimité c'est que jamais ils ne se souillent de notre contact. Quelques-uns seulement, comme les astres, apparaissent à notre débile vue, et encore ne sommes-nous pas d'accord sur leur grandeur et leur couleur : les autres ne sont compris que par les efforts de notre intelligence. Il ne faut point s'étonner si les dieux immortels échappent à notre vue, puisque, même parmi les hommes, celui que la fortune a élevé au trône, siège mouvant et fragile, se retire loin de tous, et, fuyant l'approche du vulgaire, se cache, pour ainsi dire, dans sa dignité : car la familiarité fait naître le mépris, et la rareté des rapports inspire une respectueuse admiration. Cependant, dira-t-on, que faire d'après cette opinion sublime peut-être, mais presque inhumaine ? que faire, si les hommes, repoussés loin