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Page:Pétrone, Apulée, Aulu-Gelle - Œuvres complètes, Nisard.djvu/425

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nent de droit. Tu vivras heureux, tu vivras glorieux sous ma puissance tutélaire ; et lorsqu’au terme prescrit tu descendras aux sombres bords, dans ce souterrain hémisphère, tu me retrouveras, moi que tu vois en ce moment, tu me retrouveras brillante au milieu de la nuit de l’Érèbe, tenant le Styx sous mes lois. Hôte des champs élyséens, tu continueras tes pieux hommages à ta divinité protectrice. Apprends d’ailleurs que, si tu le mérites par ton culte assidu, ton entière dévotion, ta pureté inviolable, j’ai le pouvoir de prolonger tes jours au delà du temps fixé par les destins.

Cet oracle achevé, la glorieuse apparition redescend sur elle-même. Je me réveille éperdu de saisissement et de joie, et me lève baigné de sueur. Cette imposante manifestation de la divinité me laissait comme en extase. Mais bientôt je cours me plonger dans la mer, et, tout entier aux suprêmes instructions que je venais de recevoir, je les repassais par ordre dans mon esprit, quand, triomphant de l’épaisseur des ombres, le soleil dora tout à coup l’horizon. Déjà pleins d’un empressement religieux, et avec toute la curiosité qu’inspire une pompe triomphale, des groupes d’habitants affluent de toutes parts sur les places publiques. Sans parler de ce qui se passait en moi, une teinte d’allégresse semblait répandue sur tous les objets. Je voyais rayonner le bonheur sur la figure des animaux, sur les façades des maisons, dans l’air et partout. La nuit avait été froide, mais le jour avait ramené la plus aimable des températures. Le chant des oiselets égayés, par les émanations printanières, saluait d’un concert mélodieux la puissance créatrice des astres, mère des temps, souveraine de l’univers. Les arbres même, et ceux qui produisent des fruits, et ceux qui se contentent de nous offrir de l’ombre, s’épanouissaient au souffle du midi, et, se parant de leur naissant feuillage, envoyaient de joyeux murmures au travers de leurs rameaux. La tempête avait cessé de mugir, les vagues de s’enfler. Le flot venait paisiblement expirer sur la grève. Pas un nuage n’altérait l’azur éclatant de la voûte des cieux.

Bientôt défile, ouvrant la marche, un cortège de personnes travesties par suite de vœux, et qui offrent le coup d’œil le plus piquant par la variété de leurs costumes. L’un, ceint du baudrier, représente un soldat. L’autre s’avance en chasseur, la chlamyde retroussée, armé de l’épieu et du coutelas recourbé. Celui-ci est chaussé de brodequins dorés. À sa robe de soie, à son luxe d’ornements, à l’arrangement coquet de ses cheveux attachés sur le sommet de la tête, à la mollesse de sa démarche, on dirait une femme. Celui-là, des bottines aux pieds, le casque en tète, armé d’un bouclier et d’une épée, semble sortir d’une arène de gladiateurs. Tel, avec la pourpre et les faisceaux, parodie le magistrat, tel étale manteau, bâton, sandales, barbe de bouc, tout l’attirail de la philosophie. Il y avait un oiseleur avec ses gluaux, un pêcheur avec son hameçon. Je remarquai aussi une ourse privée qu’on portait dans une chaise, en costume de grande dame ; puis un singe coiffé du bonnet phrygien, en cotte safranée, qui, tenant une coupe d’or, avait la prétention de figurer le beau Ganymède. Enfin venait un âne, affublé d’une paire d’ailes, et monté par un vieillard décrépit ; ce couple pa-