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LIVRE XVIII, CHAPITRE I.

poëte, fleurit au théâtre. Alors Diogène, stoïcien, Carnéade, académicien, et Critolaüs, peripatéticien, sont envoyés en ambassade à Rome par les Athéniens. Peu d’années s’écoulent, et Q. Ennius, Cécilius, Térence, Paeuvius, et, durant la vieillesse de ce dernier, Attius, fleurissent ; Lucile les efface, en les critiquant. Mais j’ai passé la limite, qui était la seconde guerre punique.

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LIVRE XVIII.


CHAPITRE I.

Discussion entre un stoïcien et un péripatéticien, sous l’arbitrage de Favorinus. Influence de la vertu et des biens extérieurs sur le bonheur de l’homme.

Au nombre des amis de Favorinus étaient deux philosophes qui jouissaient à Rome de quelque célébrité. L’un était péripatéticien, l’autre appartenait à l’école stoïcienne. Un jour qu’ils disputaient avec ardeur et opiniâtreté, chacun en faveur de sa doctrine, j’eus le plaisir de les entendre. Nous étions ensemble à Ostie, auprès de Favorinus ; nous nous promenions sur le rivage, vers le soir, au renouvellement de l’année. Le Stoïcien affirmait que l’homme peut être heureux par la seule vertu, malheureux par le vice seulement, lors même que tous les biens corporels ou extérieurs escorteraient le vice et manqueraient à la vertu. Le péripatéticien avouait que le vice et la perversité suffisent à rendre une vie malheureuse, et soutenait toutefois que la vertu seule ne remplit pas la mesure du bonheur. Selon lui, la santé, une honnête beauté, une certaine fortune, une bonne renommée, en un mot les avantages du corps et les biens de la fortune, étaient nécessaires à compléter le bonheur. Alors le stoïcien se récriait, étonné d’entendre une telle contradiction. Puisque la vertu est le contraire du vice, le malheur le contraire du bonheur, pourquoi ne pas se rendre à la raison des contraires ? Pouvait-on penser que le vice seul pût combler la mesure du malheur, et soutenir en même temps que la vertu ne suffit pas au bonheur ? Surtout quelle contradiction, quelle bizarrerie d’avouer qu’on ne peut être heureux sans la vertu, et de nier qu’elle suffise au bonheur ! Mais c’était là accorder à la vertu absente un honneur qu’on refusait à la vertu présente. Le péripatéticien répondait avec beaucoup d’enjouement : « Je te prie de ne pas te fâcher, et de répondre à cette question : Une amphore de vin, moins un conge, est-ce une amphore ? — Non, dit le stoïcien, une amphore, moins un conge, n’est pas une amphore. » Cette réponse obtenue, le péripatéticien reprit : « Il faudra donc dire qu’un conge fait un amphore. Sans lui, en effet, il n’y a pas d’amphore ; avec lui, il y a amphore. Mais s’il est absurde de dire qu’un conge fait une amphore, serait-il plus raisonnable de dire que la vertu fait le bonheur, sous prétexte