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Page:Pêcheurs de Terre-Neuve, récit d'un ancien pêcheur, 1896.djvu/53

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avions la plus grande hâte d’arriver. Le biscuit nous faisait absolument défaut. Depuis plusieurs jours on ne vivait que de lard et de poisson salé, et on se soutenait surtout par le vin et l’eau-de-vie.


Comme la rade et toute l’ile me parurent changées ! L’ile a perdu son éclatante blancheur et la rade est couverte de plus de cinq cents navires, au moins le double de ce qu’il y avait à notre arrivée en France. Les pêcheurs déchargent le produit de leur pêche. Des chalands le reçoivent et le transbordent sur les long-courriers qui sont venus apporter du sel et toutes les marchandises dont la colonie a besoin, et qui vont bientôt repartir avec des cargaisons de morue pour la France et les colonies. Ce sont les Antilles qui offrent le plus de débouché. — Que je les trouve beaux ces navires long-courriers, si propres et si coquets à côté de nous ! Nous sommes si négligés qu’on voit du premier coup d’œil que la navigation proprement dite n’est pas notre affaire : mais je devais faire encore une année de Banc, avant de les connaître. Je continue donc à m’occuper de poisson, tout en vivant de la poésie que m’apportent les seuls noms des pays lointains que les marins de ces navires auront le bonheur de visiter ! Maintenant encore, quelque intimement persuadé que je sois de l’identité de fond absolue du dernier des Cafres avec le plus raffiné des Parisiens, ainsi que de la vanité des efforts qui ont pour objet d’élargir la vie afin de la mieux comprendre, il m’est impossible d’entendre prononcer ou de lire des noms