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Page:Pêcheurs de Terre-Neuve, récit d'un ancien pêcheur, 1896.djvu/56

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têtes de ceux qui m’étaient chers. Je me rappelais la différence d’heures de mon pays et de celui-là. À un moment même je passai mon temps à tailler une branche pour la piquer en terre dans le prolongement plus ou moins approximatif de la corde qui devait sous-tendre l’arc terrestre qui partait du point où j’étais pour finir à la maison de mes parents. Que voulez-vous, je sentais que la terre est ronde ; tous les marins, même les plus ignorants le sentent — bien qu’ils ne soient pas tous capables de le penser abstraitement, — puisqu’ils en font le tour. Bientôt le chef d’équipe donna le signal du départ : je partis comme les autres avec un ballot de brousse sur le dos. Il était lourd ; mais, outre la gloriole de porter une aussi grosse charge que des hommes mûrs, la pente très raide de la montagne me permit de le faire rouler devant moi pendant la plus grande partie de la route.


La boitte est faite, et nous voici repartis. À peine sommes-nous parvenus sur le Banc que nous tombons sur un groupe de sept ou huit navires à l’ancre. Le capitaine juge que le fond doit être bon puisqu’il y en a tant qui s’y tiennent. On mouille donc, et on élonge les lignes. C’était un vrai fond de morues, en effet. Le lendemain matin, chaque chaloupe fut obligée de lever ses lignes en deux fois, et revint, à chaque tour, chargée à couler. Quatre mille morues sur le pont ! Du coup, je comprends l’utilité des grandes bottes ; malgré le beau temps, il faut encore revêtir son cirage : on en a partout