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PREFACE


digieuse anticipation, il y avait à peine dix ans que Clément Ader avait, pour la première fois au monde, « décollé du sol » avec un plus lourd que l’air ; c’était l’année même où Santos-Dumont, sur sa « demoiselle », réussissait ses premiers vols. C’en fut assez pour que Wells entrevît l’avenir qu’annonçaient ces exploits. Se faisant par avance l’historien de la guerre future, il met aux prises les grandes puissances du monde, et c’est dans les airs que les engins volants construits par l’Allemagne, les Etats-Unis, le Japon, la Chine, se heurtent, déversent sur les mers et les continents les projectiles destructeurs et provoquent l’irrémédiable ruine de la civilisation. Six ans plus tard, à peine, l’Europe est en effet à feu et à sang. Les machines prévues par Wells apparaissent dans le ciel, circulent sans répit au-dessus des tranchées et poussent des « raids » à d’énormes distances derrièreles lignes. Mais à l’heure actuelle, la réalité est encore loin des appareils que décrit l’auteur visionnaire : sans doute les verra-t-on surgir lors du conflit que La Fouchardière a déjà baptisé « la prochaine dernière guerre ».

Avec la Machine à explorer le Temps[1], nous faisons un bond de treize ans en arrière, bien peu de chose à côté des bonds que la fameuse machine permet à son inventeur. Dans ce roman qui date de 1895 — le premier qu’il ait publié — Wells est plus audacieux peut-être que dans aucun de ceux qui suivront : il s’y révèle comme un vertigineux visionnaire, en même temps que le plus réaliste des utopistes. Le temps étant admis comme une quatrième dimension, il est tout naturel de s’y mouvoir comme on se meut dans les trois autres ; et la machine emmène l’explorateur jusqu’en l’an 802.701. Ce qu’il trouve alors sur la terre dépasse, de tous ces millénaires, les pires

  1. Traduit par Henry D. Davray, Mercure de France.