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que l’air » qu’on ait jamais connus. Ils avaient été inventés par un artiste japonais, et différaient beaucoup du Drachenflieger allemand, qui procédait davantage du cerf-volant. Les aréoplanes asiatiques étaient munis d’ailes latérales flexibles curieusement incurvées, pareilles à celles du papillon, infléchies, faites d’une substance ressemblant à du celluloïd et recouvertes d’une soie aux couleurs brillantes. Ils se terminaient par une longue queue d’oiseaumouche. Par les crampons qui garnissaient l’extrémité des ailes, comme des grimes de chauve-souris, la machine volante pouvait harponner et déchirer les parois des dirigeables. L’aviateur s’installait entre les ailes, au-dessus d’un moteur transversal à explosion, qui ne présentait aucune différence essentielle avec les moteurs employés à cette époque pour les motocyclettes légères. Au-dessous était adaptée une grande hélice. A cheval sur une selle, comme dans le monoplan Butteridge, le pilote portait, en plus de sa carabine à balles explosibles, un large sabre à double tranchant. Aucun de ces détails, aucune de ces disparités, n’étaient clairement connus de ceux qui se mesurèrent dans la monstrueuse bataille qui se livra au-dessus des grands lacs d’Amérique.

Chaque parti engagea la lutte contre il ne savait quoi, dans des conditions entièrement nouvelles et avec des appareils qui, même en restant sur la défensive, pouvaient provoquer les surprises les plus déconcertantes. Les plans d’actions combinées, les essais de manœuvres collectives étaient bouleversés dès le premier contact, comme cela s’était passé lors des rencontres de cuirassés au siècle précédent. Chaque capitaine reprenait alors son action individuelle et agissait selon ses propres inspirations ; l’un voyait le triomphe dans ce que l’autre estimait un motif de fuite et de désespoir.