Aller au contenu

Page:Pages choisies des auteurs contemporains Tolstoï.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’était assis auprès de la table. Tout en suçant les glaçons de ses moustaches, il examinait l’isba et ses habitants de ses yeux proéminents d’épervier. À son côté se trouvait le vieux, avec son crâne dénudé, sa barbe blanche, et sa blouse tissée à la maison ; et un peu plus loin le fils venu de Moscou, avec une blouse d’indienne fine sur ses larges épaules ; puis l’autre fils, l’aîné, qui dirigeait la maison, et enfin le staroste, un moujik maigre et roux.

La compagnie, après avoir mangé un morceau arrosé de vodka, se préparait à prendre le thé. Le samovar chantait déjà par terre près du poêle. Les enfants étaient sur celui-ci et sur la soupente[1], et une femme assise sur le lit de camp[2] balançait un berceau. La vieille maman, dont le visage était sillonné en tous sens de petites rides qui plissaient jusqu’à ses lèvres, s’empressait auprès de Vassili Andréitch, à qui elle présentait un verre de vodka au moment où Nikita pénétra de la cour dans l’isba.

« Fais-nous honneur, Vassili Andréitch ; tu ne peux pas refuser un jour de fête. »

La vue et l’odeur de la vodka, surtout alors qu’il était ainsi transi et las, ne laissèrent pas de troubler Nikita. Il fronça les sourcils, secoua la neige de son bonnet et de son caftan, et, tournant le dos à la table, se signa par trois fois en s’inclinant devant les icones. Ensuite il salua le vieux et l’un après l’autre tous les hommes présents, et collectivement toutes les femmes assises sur des bancs auprès du poêle, souhaita à la

  1. Polati, faux plancher qui prolonge jusqu’au mur la plateforme du grand poêle de maçonnerie.
  2. Nary, autre faux plancher, placé au-dessous des polati.