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Page:Pages choisies des auteurs contemporains Tolstoï.djvu/154

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ses vêtements autour de lui, se recroquevilla dans son coin. Mais il ne pouvait plus tenir en place. Il voulait descendre du traîneau, agir de quelque façon, pour secouer l’épouvante qui grandissait en lui, et qu’il se sentait désormais impuissant à dompter.

Il tira de nouveau cigarettes et allumettes. Il ne restait plus que trois de celles-ci, et elles ratèrent l’une après l’autre.

« Que le diable t’emporte ! » grommela-t-il en rejetant sa cigarette.

Il allait la faire suivre de son porte-allumettes, mais il retint son bras déjà prêt à se détendre et remit dans sa poche le petit étui d’argent.

Il sortit de dessous la capote, se secoua les jambes, et, tournant le dos au vent, resserra sa ceinture.

« Pourquoi demeurer ainsi couché à attendre la mort ? pensa-t-il soudain. Enfourchons le cheval, et au large !… Pour Nikita, que lui importe de trépasser ! Sa vie n’est pas telle qu’il ait lieu de la regretter. Tandis que la mienne… »

Il détacha Moukhorty, lui rejeta les guides sur l’échine, et voulut monter, mais, empêtré dans ses longues pelisses, n’y put réussir. Il renouvela sa tentative en se soulevant à l’aide du traîneau ; la voiture vacilla sous son poids, et ce fut encore un élan de perdu. Enfin, ayant rapproché le cheval contre l’avant-train, il parvint à s’étaler sur le ventre en travers du dos de Moukhorty. Il demeura un moment dans cette position, puis, se poussant de-ci de-là, arriva à passer une jambe de l’autre côté, et s’assit, les pieds dans les courroies de l’avaloire en guise d’étriers. La secousse imprimée au traîneau avait réveillé Nikita. Il releva la tête, et Vassili Andréitch crut l’entendre parler.