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Page:Pages choisies des auteurs contemporains Tolstoï.djvu/163

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« J’ai eu trop d’émotions, pensa-t-il, et je suis très affaibli. »

Mais cette faiblesse même, loin de lui être désagréable, déterminait en lui une impression d’une suavité toute particulière et qu’il n’avait jamais encore éprouvée.

« Voilà comme je suis, moi », se dit-il, non sans une fierté attendrie.

Il demeura assez longtemps silencieux, essuyant ses yeux à la fourrure du collet relevé et ramenant autour d’un de ses genoux un pan de la pelisse que le vent avait écarté.

À la fin pourtant il n’y tint plus, il lui fallait s’épancher.

« Nikita, fit-il.

— Je suis bien, j’ai chaud, entendit-il de dessous lui.

— À la bonne heure, frère. Figure-toi, j’ai failli me perdre. Nous aurions ainsi péri de froid chacun de notre côté. »

Mais de nouveau son menton trembla, ses yeux se remplirent de larmes, et il ne put continuer.

« Ça ne fait rien, se dit-il, je sais bien ce que je sais à présent. »

À plusieurs reprises, il jeta un coup d’œil au cheval et vit que la pauvre bête était toute découverte, la toile et l’avaloire traînant dans la neige. Il eût fallu se lever pour y remédier, mais Vassili Andréitch ne put se résoudre à abandonner Nikita, ne fût-ce que pour une seconde, ni à troubler l’état de douce joie où lui-même se trouvait depuis peu.

Son corps était chaud, entre Nikita et la pelisse. Seulement ses mains, qui retenaient la fourrure de chaque