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Page:Pages choisies des auteurs contemporains Tolstoï.djvu/247

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MON MARI ET MOI




I

Maria Alexandrovna vient de perdre sa mère ; son père est mort l’année d’avant. Elle est seule, avec sa petite sœur Sonia, dans leur campagne de Vokrovka. Auprès de la jeune fille et de la fillette, leur institutrice, Katia, qui est depuis si longtemps dans la maison, que c’est presque une parente. Nous assistons à la première véritable rencontre entre Maria et son tuteur Serge Mikhaïlitch, ami d’enfance de son père.


J’avais dix-sept ans. Cette année-là justement, maman voulait me présenter dans le monde, et elle se proposait à cet effet, peu de jours encore avant sa fin, de passer l’hiver à la ville avec nous. La perte de ma mère était certes pour moi une très vive douleur, mais je dois avouer qu’au fond de ma douleur il y avait aussi le vague regret de devoir passer un second hiver dans cette campagne perdue, alors que j’étais jeune et que tous me disaient si belle. Vers la fin de la saison, ce sentiment pénible de solitude et d’ennui devint si intense, que je fus presque prise d’un spleen véritable ; je ne quittais plus ma chambre, je n’ouvrais plus mon piano et ne touchais pas à un livre. Lorsque Katia s’ef-