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INTRODUCTION




Le comte Léon Nikolaïévitch Tolstoï n’est pas seulement le plus haut penseur et le plus puissant écrivain de la Russie — qui a produit cependant maints cerveaux admirables et dont le nombre et la valeur sont d’autant plus dignes de considération que sa littérature en réalité date d’un siècle à peine.

Il compte aussi parmi les souverains maîtres universels du roman. On ne saurait guère l’égaler, à ce point de vue, qu’à Honoré de Balzac et à George Eliot. Un auteur a même pu voir en lui « le plus grand évocateur de la vie qui ait peut-être paru depuis Goethe »[1]. Du moins il est certain que ses récits de guerre confinent à l’épopée. Pour ce qui est des tableaux de la paix, on peut citer l’exclamation de Gustave Flaubert, à qui Ivan Tourgueniev traduisait verbalement l’« Agonie du comte Bésoukhov ».

« Mais c’est du Shakespeare, ça, rugissait le géant normand, c’est du Shakespeare ! »

Cet homme, qui a remué toutes les questions les plus graves et les plus pressantes de notre âge, est encore lui-même l’un des problèmes les plus troublants qui aient surgi devant ses contemporains.

  1. E.-M. de Vogüé, le Roman Russe. C’est surtout aux livres de M. de Vogüé, ainsi qu’à ceux de MM. Alfred Rambaud et Anatole Leroy-Beaulieu, qu’il faut se reporter si l’on veut pénétrer l’âme russe, et par conséquent celle de Tolstoï.