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LE RÉCIT DU MARQUEUR


Le présent morceau est la partie essentielle de l’une des nouvelles les moins récentes, mais les plus estimées, de Tolstoï. C’est le récit — familier, puisqu’il est mis sur les lèvres d’un domestique, le marqueur de la salle de billard dans un cercle de Pétersbourg — de l’enlisement progressif d’un homme du monde, frappé pour ainsi dire par le mystérieux et terrible démon du jeu. La partie purement didactique du sujet a été reléguée cette fois à l’extrême fin, dans la lettre laissée par le suicidé. Le hors-d’œuvre est fâcheux, d’abord par lui-même en tant que prêche long et ennuyeux, et partant sans efficacité aucune, et ensuite par ce fait qu’il survient après le dénouement de l’action, — manquement à la logique et au goût fréquent du reste chez les écrivains russes. Mais on doit se réjouir que l’auteur ait accumulé là tout ce qui eût pu encombrer le corps du récit, qui, réduit ainsi à une sèche énonciation de la succession des événements, gagne singulièrement en intensité d’impression esthétique, et en même temps en profondeur de suggestion morale.


Un jour il arrive avec le prince et le monsieur à moustaches, que l’on appelait Fédotka. Celui-ci était d’une laideur repoussante, mais il s’habillait avec recherche et avait voiture. Pourquoi le choyait-on tant Fédotka par-ci, Fédotka par là ; on lui offrait des