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Comme en a beaucoup parlé des avantages d’une réconciliation, dont l’espérance, telle qu’un songe agréable, s’est dissipée en nous laissant au point où nous étions, il convient d’examiner l’autre côté de la question & d’approfondir les griefs capitaux & nombreux dont les colonies ont à se plaindre & dont elles auront à se plaindre, à raison de leurs rapports avec l’angleterre, & de la dépendance où elles sont vis-à-vis d’elle ; il convient de discuter ces rapports & cette dépendance d’après les principes de la nature & du sens commun, de voir, à quoi nous pouvons nous fier, si nous sommes séparés de la métropole, ce que nous avons lieu d’attendre, si nous sommes dans sa dépendance.

J’ai entendu assurer par quelques, personnes, que l’amérique ayant prospéré tant qu’elle a eu des rapports intimes avec l’angleterre, ces mêmes rapports sont nécessaires pour son bonheur & produiront toujours leurs anciens effets. Rien de plus fallacieux que cette manière de raisonner. Autant vaudroit alarmer que, parce qu’un enfant a pris des forces tant qu’il a vécu de lait, il ne doit jamais vivre d’autre chose, ou que les premiers vingt ans de notre vie doivent nous servir de règle pour les vingt ans qui les suivent. Mais il y a plus : la vérité ne permet pas d’accorder l’hypothèse sur laquelle est fondée cette proposition. Je déclare franchement que l’amérique eut prospéré autant &, selon toute apparence, beaucoup plus qu’elle n’a fait, si aucune puissance de l’europe ne s’étoit mêlée de ses affaires. Le commerce qui l’a enrichi, roule sur les nécessités de la vie, & ce commerce-là sera toujours bon tant que l’on conservera en europe la coutume de manger.

Mais l’angleterre nous a protégés, disent quelques-uns de nos adversaires. Oh ! oui. Je conviens qu’elle a accaparé nos productions, & qu’elle a défendu notre territoire à nos dépens comme aux siens ; or, le même motif, savoir, l’intérêt de son commerce