Page:Paine - Théorie et pratique des droits de l homme (1793).djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
(200)

continent. Or, est-il ou n’est-il pas l’homme fait pour dire aux colonies : « Vous n’établirez de loix que celles qu’il me plaira. » Y a-t-il un seul américain assez ignorant pour ne pas savoir que, suivant ce qu’on nomme la constitution actuelle, ce continent ne peut faire de loix sans la permission du monarque ; & y a-t-il un seul homme assez dépourvu de sens pour ne pas voir qu’à raison de ce qui s’est passé, il ne nous laissera faire d’autres loix que celles qui répondront au but qu’il se propose ? Nous pouvons aussi bien devenir esclaves faute de loix établies chez nous, qu’en nous soumettant à des loix faites pour nous en europe. Les choses une fois arrangées, comme on dit, y a-t-il le moindre doute que tout le pouvoir de la couronne ne soit mis en usage pour tenir l’amérique dans l’état le plus humble ? au lieu d’aller en avant, il faudra reculer, ou n’avoir d’autre affaire que de débats continuels & des pétitions ridicules.

Réduisons la question à ses derniers termes. Un pouvoir jaloux de notre prospérité est-il propre à nous gouverner ? Quiconque soutient la négative est un indépendant ; car ce mot d’indépendance implique seulement l’alternative de faire nous-mêmes nos loix, ou de ne plus tenir à l’angleterre.

Mais, dira-t-on, le roi a le veto dans la métropole ; la nation ne peut y faire des loix sans son consentement. À consulter la raison & le bon ordre, il est passablement ridicule qu’un jeune homme de vingt-un ans, comme il est arrivé plus d’une fois, dise à plusieurs millions d’hommes, plus âgés & plus sages que lui : « Je défends que tel ou tel de vos actes ait force de loi. » Mais je veux bien ne pas employer ici ce genre de réfutation, quoique résolu à ne jamais cesser de montrer l’absurdité d’un pareil usage ; & je me contenterai de répondre, qu’il résulte une très-grande différence