sans retour. C’est le commerce avec l’amérique & non sa conquête, qui sera utile à l’Angleterre, & ce commerce continueroit d’avoir lieu jusqu’à un certain point, quand bien même les deux états ne dépendroient pas plus l’un de l’autre que la france ne dépend de l’espagne, attendu que, pour beaucoup d’articles, l’une & l’autre n’ont point de meilleur débouché que leurs ports respectifs ; mais il s’agit sur-tout & uniquement de l’indépendance de l’amérique, à l’égard de l’angleterre, comme de tout autre pays ; & ainsi que toutes les vérités dont la découverte est le fruit de la nécessité, la sagesse de cette mesure acquerra tous les jours plus de force & d’évidence.
Premièrement, parce que tôt ou tard l’amérique, sera forcée d’en venir là.
Secondement, parce que plus nous différerons, plus le succès entraînera de difficultés.
Je me suis souvent amusé, entre amis, ou dans le monde, à noter en silence les erreurs spécieuses des gens qui parlent sans réflexion ; de toutes celles que j’ai entendu soutenir, la plus générale paroît être que si la rupture de l’angleterre & des colonies étoit arrivée quarante ou cinquante ans plus tard, au-lieu d’arriver maintenant, celles-ci auraient été plus en état de s’affranchir de leur dépendance. À cela je réponds que les talens militaires dont nous pouvons nous glorifier à l’époque où nous sommes, viennent de l’expérience que nous avons acquise dans la dernière guerre, & que dans quarante ou cinquante ans, il n’en subsisteroit plus de traces ; l’amérique n’aurait pas un général, pas même un seul officier, & nous & nos enfans serions aussi ignorans dans la science militaire que l’étoient les anciens indiens. Cette unique assertion, bien discutée, prouvera d’une manière incontestable, que le moment actuel est préférable à tout autre. Voici comment il faut raisonner :