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La meilleure constitution qu’on puisse maintenant esquisser, de manière qu’elle s’accorde avec ce que le moment actuel exige, est bien loin de cette perfection qu’elle pourra acquérir en peu d’années. La raison se lève pour l’homme sur les matières de gouvernemens, comme elle n’a point encore fait. La barbarie de nos vieux gouvernemens est prête d’expirer, les rapports moraux entre les nations changeront aussi.

L’homme ne sera plus élevé dans l’idée sauvage que les hommes sont ennemis, parce que le hasard de la naissance a fait naître des individus dans des liens séparés, distingués par des noms différens & comme les contestations ont toujours quelque rapport aux circonstances extérieures ou domestiques, il faudroit que tout changement dans ces circonstances, pût amener des modifications dans ces constitutions, & que les moyens de les effectuer en fissent partie.

Déjà nous appercevons un changement dans la disposition des peuples anglais & français l’un à l’égard de l’autre, & ce changement dans l’esprit public est seul une révolution, si nous le comparons avec l’esprit public des années précédentes. Quel homme auroit prévu ou auroit osé penser, qu’on porterait en Angleterre des santés à une assemblée nationale de France, & qu’une alliance amicale deviendrait le vœu commun de ces deux nations. Il paroît que l’homme, lorsqu’il n’est pas corrompu par le gouvernement, est naturellement ami de l’homme, & que le vice n’est pas inné en lui. L’esprit de jalousie & de férocité, que les gouvernemens de ces deux pays inspiroient, & que leur facilitent l’augmentation des impôts, a maintenant cédé aux principes de la raison, à l’intérêt & à l’humanité. Le trafic des cabinets commence à devenir public, & les mystères & tous les artifices dont on