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LA SENSIBILITÉ INDIVIDUALISTE.

(impulsive, passionnée, instable) ou la sensibilité apollinienne (pondérée, harmonique, réfléchie, aboutissant à un individualisme stoïque).

La sensibilité individualiste, surtout la nuance sensitive et passionnée, a été souvent qualifiée de pathologique. Cela ne signifie pas grand’chose. Car nous paraissons toujours anormaux à ceux qui ne sentent pas comme nous. La prétention d’appeler pathologique une attitude sentimentale qu’on ne partage pas est une prétention de moraliste. En dépit de l’incapacité sociale que quelques-uns (M. Seillière)[1] leur ont reprochée, les individualistes ont vécu, ils se sont tirés d’affaire à peu près comme les autres et même mieux que les autres, ils ont eu leurs peines et leurs joies ; comme les autres et même mieux que d’autres, ils ont extrait de leur vie tout ce qu’elle contenait de saveur, même amère, et ils sont arrivés en fin de compte au même terme. — Pourquoi les blâmer ? Pourquoi les déprécier ? Pourquoi les plaindre, ce qui est une façon indirecte de les déprécier ?

À notre époque où la sensibilité sociale et solidariste triomphe ou sévit, comme on voudra, la sensibilité individuelle plaira par contraste. Elle plaira du moins à ceux qui aiment à cultiver l’exception, la « différence » humaine.



  1. E. Seillière, Apollon ou Dionysos, — et l’Égotisme pathologique de Stendhal (Revue des Deux Mondes, 1906).