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les antinomies entre l’individu et la société

des intérêts religieux, éthiques, politiques même. L’organisation scientifique de l’économie que Saint-Simon voulait donner au monde ne devait, dans la pensée de ce philosophe, apporter aucun changement notable dans la politique ni dans la morale. De même les socialistes d’aujourd’hui mettent à part l’organisation économique d’un côté et de l’autre côté les croyances religieuses et morales, ces dernières considérées comme « choses privées ». Le domaine économique semble par définition indifférent aux religions et aux morales et par là-même soustrait à la main-mise de l’Esprit prêtre, ce grand ennemi de l’individualité. Il y a là deux séries de faits relativement indépendantes l’une de l’autre. Un grand développement économique, accompagné des aises et des commodités qu’il apporte à l’individu, paraît compatible avec un assez grand relâchement des liens sociaux, avec un affaiblissement des croyances religieuses et morales et avec une diminution de la sociabilité générale[1].

Toutefois, si l’antinomie entre la société et l’individu est, en économie, moins aiguë qu’ailleurs, il y a malgré tout un certain nombre de points sur les-

  1. M. Durkheim remarque que le lien économique est un lien social assez lâche et qu’il n’entraîne nullement l’unité morale : « Comme les rapports purement économiques, dit-il, laissent les hommes les uns en dehors des autres, on peut en avoir de très suivis sans participer pour cela à la même existence collective ». (Règles de la méthode sociologique, p. 139.)