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l’antinomie économique

encore ce fait que les divergences d’opinion en matière économique n’émeuvent pas autant les âmes et ne divisent pas aussi profondément les hommes que les querelles religieuses ou morales. Par exemple une discussion entre protectionnistes et libre-échangistes ne sera généralement pas aussi passionnée, ne mettra pas en branle des sentiments aussi profonds ni aussi intimes que l’opposition d’un croyant et d’un athée, d’un partisan de la morale traditionnelle et d’un libertaire. En général une innovation économique ne suscite pas les mêmes résistances, ni les mêmes indignations qu’une innovation philosophique, religieuse ou morale. Du moins elle suscite des résistances moins acharnées et moins durables. Un inventeur industriel peut être en butte à des vexations de la part de ceux dont son invention alarme les intérêts (Fulton et les bateliers de l’Elbe) ; mais au bout d’un petit nombre d’années, les résistances cèdent. Au contraire, une innovation qui touche au domaine des idées, des croyances, des sentiments, suscite de la part du milieu une opposition aussi durable que furieuse (Galilée et l’Inquisition ; en général toute innovation tendant à détruire la conception philosophique et morale régnante). Ici, les haines suscitées sont profondes, tenaces, implacables.

Ajoutons que dans une société, les intérêts économiques peuvent se dissocier jusqu’à un certain point