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l’antinomie économique

lisation, toutes les valeurs tendaient à se dépersonnaliser, à s’éloigner de l’individu, à s’ériger en fins en soi, en buts généraux et impersonnels, au lieu d’être regardés comme des facteurs composants ou des moyens d’une personnalité saine, forte, complète et harmonieuse. C’est ce phénomène de dépersonnalisation et de « médiatisation[1] » des valeurs qui caractérise notre stade de civilisation. De plus en plus les valeurs sont détachées de l’individu et de plus en plus incapables de s’intégrer dans l’unité d’une individualité harmonieuse. M. Lichtenberger croit qu’il fut une époque où cette désintégration n’existait pas et où l’individualité s’épanouissait plus harmonieusement. C’est l’époque de la Renaissance[2]. Alors, les valeurs restaient subordonnées

  1. Cette expression signifie que les « valeurs » ne relèvent plus immédiatement de l’individu, qu’elles se sont détachées de lui et planent en quelque sorte au-dessus de lui.
  2. « Ce qui caractérise la culture d’une époque comme la Renaissance, c’est qu’elle est nécessaire dans toutes ses parties, c’est qu’elle forme comme un tout organique dont les divers éléments constitutifs sont autant de parties intégrantes et indispensables. Le représentant typique de cette époque, c’est le condottiere hautement cultivé, l’homme de proie universellement doué ; c’est par exemple une personnalité comme ce Léon Battista Alberti que nous décrit Burckhardt, cavalier et guerrier émérite, orateur accompli, versé dans toutes les connaissances de son temps, philosophie et sciences naturelles ; avec cela, musicien et sculpteur ; au total ; un instinctif doublé d’un intellectuel ; un vaillant et en même temps un cérébral, presque un nerveux. Chez des hommes de ce type, la culture n’est pas un luxe, une vaine parure, mais la condition même de leur puissance. Et cette culture elle-même n’est pas un assemblage fortuit de qualités disparates, mais une synthèse organique dont tous les éléments se commandent et se conditionnent l’un l’autre. »