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les antinomies entre l’individu et la société

un travail au moyen d’un mètre matériel tel que les graduations d’un dynamomètre ou le nombre de calories dépensées. À ce compte, un poète qui suera sang et eau pour faire de mauvais vers sera sacré grand poète de préférence à un poète heureusement doué, dont le génie et la facilité diminueront le mérite. La société passera sur toutes les valeurs son niveau impersonnel ; elle imposera une tarification anonyme et fixée d’avance qui ne laissera place à aucune surprise, ni à aucun des effets du caprice et de la fantaisie individuelle. Les inventions seront peut-être examinées et tarifées par la société avant d’être mises en circulation. La société s’assurera si elles correspondent à des besoins « réels » c’est-à-dire suffisamment généraux. On fera comparaître un inventeur devant un aréopage de socialistes pour savoir si on peut lui permettre de produire son intention, comme autrefois on faisait comparaître un novateur religieux devant un aréopage de théologiens.

Il y a encore un autre point par où le système de nos valeurs sociales, froisse le sentiment de l’individualité et l’épanouissement complet et harmonieux de cette dernière.

On a remarqué avec raison[1] que dans notre civi-

  1. Cf. Lichtenberger « Une nouvelle théorie de la transvaluation des valeurs ». (Revue de Synthèse historique de décembre 1900, à propos du livre de Weisengrün : Der Marxismus und das Wesen der sozialen Frage.)