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Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/261

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les antinomies entre l’individu et la société

la morale kantienne, un appel à l’idée de personnalité, à l’idée de liberté individuelle et d’autonomie individuelle. Mais si l’on y regarde de plus près, on voit bien vite que la personnalité glorifiée par les moralistes est toujours, au fond, l’essence idéale de l’humanité, la raison impersonnelle ; une et identique en tous les individus. Au fond, on n’évoque l’idée de personnalité que pour la forme. Les hommages qu’on lui rend sont platoniques. Elle n’apparaît dans les théories morales que comme les statues du Bouddha dans les temples chinois. On leur brûle un bâtonnet d’odeur et on ne s’en soucie pas autrement.

Toutes les morales vont donc répétant à l’individu : « Ne t’attribue pas d’importance. Reconnais ta petitesse et ton insignifiance. Sacrifie-toi à la société qui est infiniment plus grande, plus durable, plus féconde, plus puissante et plus belle que toi. Si tu trouves la société actuelle trop imparfaite et indigne de ton sacrifice, sacrifie-toi du moins à une société idéale qui ne peut manquer de se réaliser un jour et que ton sacrifice aura préparée ». — Toute morale rentre dans le système d’illusionisme social que nous avons décrit plus haut ; ou plutôt elle en est la maîtresse pièce. Il s’agit pour les morales de faire jouer à l’individu le rôle du « guillotiné par persuasion ». Les formes de l’astuce des moralistes sont inépuisables. L’illusion spiritualiste consiste à