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Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/48

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l’antinomie dans la vie intellectuelle

entre les individus qu’ils seront contraints d’admettre les mêmes vérités.

Or, quand on passe des principes les plus généraux de la pensée aux vérités de l’ordre social, le critérium pragmatiste devient d’une extrême subjectivité. Quoi de plus variable ici que l’utilité et de quelle utilité s’agit-il ? De l’utilité de l’individu ou de celle du groupe ? Ici, la réponse sera, plus évidemment encore que dans les philosophies rationalistes, d’ordre personnel et sentimental.

M. Brunetière se déclare le champion de l’utilité sociale et fait de l’aptitude moralisatrice d’une philosophie le critérium de sa vérité intrinsèque[1]. Cela est parfaitement logique du point de vue où se place ce penseur ; mais non moins logique, est l’attitude du pragmatiste égotiste qui adopte la maxime des sophistes et de Stirner : « Ne t’en laisse pas imposer » et qui répète avec eux : « L’homme, l’individu, est la mesure de toutes choses. »

L’attitude des uns et des autres est justifiée dans

  1. Voir Brunetière : À propos du Disciple (Revue des Deux Mondes du 1er juillet 1889. Nous y trouvons le passage suivant : « Comment ces écrivains peuvent-ils mettre à si haut prix les vérités qu’ils proclament, que de n’avoir égard, en les répandant, ni au scandale qu’elles soulèvent, ni à ce qu’elles ébranlent d’autres vérités peut-être, ni aux conséquences qui en sortiront !… En vain ont-ils raisonné le mieux du monde, leurs conclusions doivent être fausses parce qu’elles sont dangereuses… C’est que c’est la morale qui juge les métaphysiques, attendu qu’une métaphysique n’est rien de plus qu’une recherche de l’origine, de la loi et de la fin des hommes. » Cf. aussi l’article : Question de morale (Revue des Deux Mondes du 1er septembre 1889).