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l’antinomie dans la vie intellectuelle

sement du champ visuel de la science qui est très sensible chez A. Comte. Ne blâme-t-il pas les recherches astronomiques en dehors de notre monde solaire, comme indifférentes au bonheur de l’humanité ? N’avoue-t-il pas n’attacher pour la même raison que peu d’importance à la découverte de Leverrier[1] ? Comte semble revenir par là à une conception de la science aussi étroite que celle d’un Socrate. Il se résigne d’ailleurs aisément aux ignorances de la science, du moment qu’elles se tournent en une leçon de fraternité. Ce savant finit par parler de la science en sceptique et se console des incertitudes de l’esprit humain en matière de science par un acte de foi en l’avenir de la fraternité.

M. Brunetière représente sur cette question une attitude assez analogue à celle de Comte et aboutit à des conséquences semblables aux siennes. M. Brunetière recommande de sacrifier les résultats de la critique et de la science aux intérêts moraux et sociaux de la société où l’on vit. Mais jusqu’où vaut et à quoi aboutit cette recommandation ? Supposons un esprit supérieur vivant dans une société étroite, incurieuse et superstitieuse. Devra-t-il, au nom de la morale, limiter et conformer ses exigences intellectuelles à celles de son milieu ? Subordonner la critique, la philosophie et

  1. Discours sur l’Esprit positif.