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l’antinomie dans la vie affective

distinguerons ici deux variétés d’individualisme sentimental.

L’individualisme stirnérien est une revendication en faveur de la « différence » affective, de l’originalité sentimentale quelle qu’elle soit. — C’est aussi bien l’individualisme de l’impulsif, du maniaque, de l’excentrique, du névrosé en quête de sensations bizarres et compliquées (tel un Des Esseintes), que l’individualisme du grand poète, du grand artiste qui exprime des manières de sentir délicates, puissantes ou profondes, vraiment neuves et intéressantes, vraiment capables d’éveiller un écho dans l’âme des autres hommes.

L’individualisme stirnérien est un egotisme tout négatif. Stirner attaque tout désir qui n’est pas l’expression directe de son instinct à lui, de même qu’il attaque toute idée qui n’est pas issue de son cerveau et qui n’a pas pour résultat une justification ou une satisfaction de son égoïsme. Mais c’est là plutôt une volonté d’originalité qu’une originalité réelle. Il ne suffit pas de vouloir être original dans l’ordre de la pensée ou du sentiment. Il conviendrait encore, du moment où on se pose en champion de la différence humaine et de l’originalité, d’avoir des désirs vraiment neufs et intéressants, des sentiments qui vaillent la peine d’être exprimés. Or on cherche vainement chez Stirner quels sont les désirs qui le différencient de ses voisins, qui l’indi-