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CHAPITRE II

DEUX MANIÈRES D’ENTENDRE L’ÉVOLUTION SOCIALE

Nous devons faire une distinction entre deux manières possibles de se représenter l’évolution sociale.

Certains sociologues à tendance objective, tels que M. Durckheim s’efforcent de retracer l’évolution d’une société ou d’une forme sociale d’après une dialectique toute mécanique et extérieure. D’autres, ceux surtout qui subordonnent comme M. Tarde les lois d’évolution aux lois de causation, conçoivent cette évolution d’après une dialectique téléologique et idéologique.

Dans le premier cas, on part de faits sociaux déterminés, coutumes, croyances, etc., et en les combinant on s’efforce d’expliquer la formation et l’évolution d’autres faits sociaux qui sont la résultante des premiers. On trouve un exemple de cette dialectique dans l’article[1] où M. Durckheim essaye d’expliquer comment de ces trois faits sociaux de l’humanité primitive : la croyance au totem, la croyance au tabou et la croyance au caractère tabou du sang menstruel, seraient résultés par une synthèse qui s’est développée dans le temps, d’abord l’exogamie du clan totémique et ensuite comme une conséquence de cette exogamie, le précepte moral actuel de la prohibition de l’inceste.

Ici, nulle téléologie, nulle idéologie ; rien qu’une genèse d’un fait social au moyen d’autres faits sociaux. « Nous évitons ainsi, dit M. Durckheim, l’erreur de la

  1. Durckheim, La Prohibition de l’inceste, Année sociologique, 1897.