Page:Palante - Précis de sociologie, 1901.djvu/144

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M. Bagehot, comparant un village de colons anglais à une tribu d’indigènes australiens, ramène aux trois points suivants le contenu de l’idée du Progrès : « Si nous laissons de côté les points les plus élevés de la morale et de la religion, je crois que les avantages les plus clairs et les mieux reconnus des Anglais sont ceux-ci : premièrement, ils ont en somme un plus grand empire sur les forces de la nature. Secondement, ce pouvoir n’est pas seulement extérieur, il est aussi intérieur. Les Anglais ne possèdent pas seulement de meilleures machines pour agir sur la nature, ils sont eux-mêmes de meilleures machines… Troisièmement, l’homme civilisé n’exerce pas seulement sur la nature un pouvoir plus étendu, mais il sait aussi s’en servir mieux. Quand je dis mieux, j’entends qu’il en tire un meilleur parti pour la santé et le bien-être de son corps et de son esprit… Ces trois avantages sont résumés pour la plus grande partie, sinon en entier dans cette phrase de M. Spencer : que le progrès est un accroissement dans l’adaptation de l’homme à son milieu, c’est-à-dire dans l’adaptation de ses forces et de ses désirs intérieurs à sa destinée et à sa vie extérieure[1]. »

La conception du Progrès présentée par M. de Greef dans son livre Le Transformisme social se rapproche de la précédente. Elle se rattache aussi aux idées de M. Spencer. « Le progrès social, dit M. de Greef, est en raison directe de la masse sociale, de la différenciation de cette masse et de la coordination des parties différenciées. » M. Tarde reproche avec raison à ces définitions d’être trop exclusivement mécaniques et pas assez téléologiques. « Si je vois, dit-il, que les sociétés, en se divisant et en se coordonnant, se perfectionnent, je vois aussi que souvent, — sous les apparences d’un même labeur, elles travaillent à atteindre

  1. Bagehot, Lois scientifiques du développement des Nations, p. 227.