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Telle est la méthode de ceux qui subordonnent l’Individu à la société au nom de la loi de l’adaptation au milieu ou de la loi de symbiose (M. Izoulet) ou encore de la loi de solidarité, etc.

Les théories de ces philosophes pourraient être désignées sous le titre commun d’historisme (expression de Nietzche). Car elles regardent l’Individu comme une simple résultante, un simple reflet de son milieu historique.

C’est contre cet historisme que Nietzche a protesté. C’est lui, qui avec plus de vigueur que n’importe quel autre penseur, a voulu secouer ce filet qu’on voulait lui jeter sur la tête et dont les mailles s’appellent : le milieu, l’hérédité, la tradition, la morale convenue[1].

Nietzche a raison. Ces philosophes érigent en dogme l’absolue passivité et comme le néant de l’Individu. Ils oublient que l’individu est lui-même une force, un facteur important de son milieu et qu’il peut le transformer aussi bien que s’y adapter docilement. « Il est vrai, dit M. Sighele, que les hommes de génie sont plus qu’acteurs, qu’ils sont auteurs du drame humain[2]. » Mais ceci peut s’appliquer, toutes proportions gardées, à chaque individu humain. Nous rappellerons de plus la distinction que nous avons faite entre les deux points de vue statique et dynamique pour envisager la société. Si au point de vue statique, c’est-à-dire à un moment donné de l’évolution le milieu impose une limite inévitable aux activités de l’Individu, au point de vue dynamique, c’est-à-dire au point de vue de l’évolution et de l’ascension sociale, l’Individu reprend ses droits. Car il est à ce point de vue le principe des initiatives, l’agent du progrès, le moteur de l’histoire.

  1. Voir sur cette attitude de Nietzche : Th. Ziegler, Die geistigen und sozialen Strömungen des 19e en Jahrhunderts.
  2. S. Sighele, Psychologie des Sectes, p. 224.