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activité de second ordre, une simple « réactivité ». Bien plus, on a défini la vie elle-même : une adaptation intérieure toujours plus efficace à des circonstances extérieures (Herbert Spencer). Mais par là on méconnaît l’essence de la vie, la Volonté de Puissance ; on ferme les yeux sur la prééminence fondamentale des forces d’un ordre spontané, agressif, conquérant, usurpant, transformant et qui donne sans cesse de nouvelles exégèses et de nouvelles directions, l’adaptation étant d’abord soumise à leur influence. C’est ainsi que l’on nie la souveraineté des fonctions les plus nobles, fonctions où la volonté de vie se manifeste active et formatrice. On se souvient du reproche adressé par Huxley à Spencer, au sujet de son « nihilisme administratif ». Mais il s’agit là de bien autre chose encore que d’administration[1]. »

On ne sait vraiment pourquoi la philosophie sociale d’H. Spencer se décore du titre d’Individualisme. Avec son mécanisme passif, elle est aussi anti-individualiste qu’on peut l’imaginer. — Spencer, il est vrai, veut soustraire l’Individu à la tyrannie de l’État ; mais c’est pour le subordonner plus étroitement aux influences dites naturelles ; le milieu, les mœurs, les coutumes les préjugés de race et d’ambiance sociale, en un mot à l’esprit grégaire.

La philosophie sociale de M. Ammon repose aussi sur le postulat du Monisme. — Le principe mis en avant par ce sociologue est l’idée darwinienne de l’Intérêt de l’Espèce, dont l’expression sociale est le compagnonnage animal, le grégarisme ou pécorisme. La morale humaine n’est qu’un degré supérieur de la morale animale. La sociologie humaine n’est encore que du pécorisme.

« Dans beaucoup d’espèces, dit M. Ammon, les individus vivent isolés ; dans d’autres espèces, c’est

  1. Nietzche, La Généalogie de la Morale, § 12.