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D’après nous, une solidarité purement économique, telle qu’elle fonctionne par exemple dans les Trade-Unions anglaises, peut, à condition de rester exclusivement économique, échapper aux inconvénients que nous avons précédemment exposés.

Elle peut être utile à l’ouvrier en le défendant contre la contrainte économique et parfois aussi contre certaines contraintes morales exercées par le patronat. D’autre part, cette solidarité économique n’est pas oppressive pour la conscience et la conduite individuelles qu’elle laisse entièrement libres. La solidarité économique n’englobe qu’une fraction de la vie de l’individu ; elle laisse en dehors de son action tous les genres d’activité différents de l’activité économique.

Toutefois, il y a ici un danger à éviter, c’est que la solidarité économique ne se transforme en contrainte et contrôle moral. Le pas est vite franchi. — Qu’on se rappelle l’étroite discipline morale à laquelle les corporations du moyen âge assujettissaient la vie privée de leurs membres. Il faut évidemment que l’association industrielle fasse abstraction absolue des relations de famille, de parenté, etc. On a vu certaines Trade-Unions anglaises, qui conservaient la réglementation de l’apprentissage, donner aux pères le droit d’introduire leurs fils dans le métier sans les soumettre à l’obligation de l’apprentissage[1]. Ce sont là des procédés anachroniques qui sont évidemment une dérogation aux principes d’une solidarité exclusivement économique.

À la condition de prendre les précautions nécessaires contre l’ingérence abusive de toutes les influences étrangères, la solidarité économique nous semble concilier dans une mesure satisfaisante les intérêts du groupe et l’indépendance de l’individu. Les Unionistes, en tant qu’Unionistes, ne sont d’aucune doctrine religieuse, politique, ni même morale.


  1. S. et B. Webb, Industrial Democracy.