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d’vne auiz pres des prisons, pour escouter s’il se feroit quelque brisure : aussi on auoit eu des grans chiens des villages qu’vn grand Vicaire auoit amené, ausquels on auoit donné le large de la court de l’Euesché, à fin qu’ils abboyassent, si les prisonniers venoyent à sortir. Nonobstant toutes ces choses, frere Robin lima les fers qu’il auoit aux iambes, et les ayans limez, il bailla les limes à ses compagnons : et ce fait, il perça les murailles qui estoyent de bonne massonnerie, mais il aduint vn cas estrange, c’est que d’auenture il y auoit plusieurs barriques appilees l’vne sur l’autre, au deuant de ladite muraille, lesquelles barriques estans poussees à bas, menerent vn grand bruit, qui furent cause, que le portier se leua, et ayant long temps escouté, s’en retourna coucher : et ainsi, ledit frere Robin sortit en la court, à la merci des chiens, toutesfois Dieu l’auoit inspiré d’auoir prins du pain, et quand il fut en la court, il le ietta ausdits chiens, qui eurent la gueule close, comme les Lions de Daniel. Or il faut noter, que ledit Robin n’auoit iamais esté en ceste Ville cy de Xaintes : pour ceste cause, estant en la court de l’Euesché, il estoit encore enfermé, mais Dieu voulut qu’il trouua une porte ouuerte, qui se rendoit au iardin, auquel il entra, et se trouuant de rechef enfermé de certaines murailles bien hautes, il apperceut à la clarté de la lune vn certain Poirier, qui estoit assez pres de ladite muraille, et estant monté audit Poirier, il apperceut par le dehors de ladite muraille vn fumier, sur lequel il pouuait assez aisement sauter. Quoy voyant, il s’en retourna és prison, pour sauoir si quelqu’vn de ses compagnons auroit limé ses fers : mais voyant que non, il les consola, et exhorta à batailler virilement, et à prendre patiemment la mort, et en les embrassant, print congé d’eux, et s’en alla derechef monter sur le Poirier et de là sauta sur les fumiers de la rue, mais ce fut vne chose tres merueilleuse, procedante de la prouidence Diuine, comment ledit Robin peut eschapper le second danger : car parce qu’il n’auoit iamais esté en la Ville, il ne sauoit à qui se retirer : mais parce qu’il auoit esté malade d’vne pleurésie és prisons, et qu’on luy auoit donné vn Medecin, et vn Apoticaire, ledit Robin couroit par les rues, en s’enquerant dudit Medecin et Apoticaire, desquels il auoit retenu le nom : mais en ce faisant, il alla tabourner en plusieurs portes des plus grands de ses ennemis, et entre les au-