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de sa propre saliue : et cela faisoit-elle petit à petit par diuers iours : car ayans prins ladite limace, ie trouuay que le bord de son bastiment estoit encore liquide, et le surplus dur, et cogneus lors, qu’il falloit quelque temps, pour endurcir la saliue de laquelle elle bastissoit son fort. Adonc ie prins grande occasion de glorifier Dieu en toutes ses merueilles, et trouuay que cela me pourroit quelque peu aider à mon affaire : pour le moins, cela m’encouragea, et me tint en esperance de paruenir à mon dessein : alors bien ioyeux, ie me pourmenay deçà delà, d’vn costé et d’autre, pour voir si ie pourrois encore apprendre quelque industrie sur les bastimens des animaux, ce qui dura l’espace de plusieurs mois, en exerçant toutesfois tousiours mon art de terre, pour nourrir ma famille. Apres que plusieurs iours i’eu demeuré en ce debat d’esprit, i’auisay de me transporter sur le riuage, et rochers de la mer Oceane, où i’apperceu tant de diuerses especes de maisons et forteresses, que certains petits poissons auoyent faites de leur propre liqueur et saliue, que deslors ie commençay à penser, que ie pourrois trouuer là quelque chose de bon, pour mon affaire. Adonc, ie commençay à contempler l’industrie de toutes ces especes de poissons, pour apprendre quelque chose d’eux, en commençant des plus grands aux plus petits : ie trouuay des choses qui me rendoyent tout confus, à cause de la merueilleuse prouidence Diuine, qui auoit eu ainsi soin de ces creatures, tellement que ie trouuay, que celles qui sont de moindre estime, Dieu les a pourueuës de la plus grande industrie, que non pas les autres : car pensant trouuer quelque grande industrie et excellente sapience és gros poissons, ie n’y trouuay rien d’industrieux, ce qui me fit considerer qu’ils estoyent assez armez, craints et redoutez, à cause de leur grandeur, et qu’ils n’auoyent besoin d’autres armures : mais quant est des foibles, ie trouuay que Dieu leur auoit donné industrie, de sçauoir faire des forteresses merueilleusement excellentes à l’encontre des brigues de leurs ennemis : i’apperceu aussi, que les batailles et brigueries de la mer, estoyent sans comparaison plus grandes esdits animaux, que non pas celles de la terre, et vis que la luxure de la mer estoit plus grande que celle de la terre, et que sans comparaison, elle produit plus de fruit. Ayant donc prins affection de contempler de bien pres ces choses, ie prins garde, qu’il y auoit vn nombre infini de